2. Démêler les fils de l'Histoire
Échos de la Grande Croisade
Les chroniques récupérées, aussi lacunaires fussent-elles, révélèrent que l'Imperium entreprit l'assimilation du système Morologus au plus tard lors de la Grande Croisade. Déjà, le système était peuplé et technologiquement avancé. Les témoignages parcellaires évoquaient une civilisation humaine coupée de la galaxie depuis l'Ère des Luttes, mais conservant un niveau technologique remarquable malgré des millénaires de solitude.
L'empressement avec lequel le Mechanicum s'appropria alors le modeste Monde Forge de Pyrgopolinices ne laissait guère planer de doute quant à la nature de ce qu'il y découvrit. Des journaux préservés dans les banques de données martiennes trahissaient une certaine ferveur dans les échanges binaires.
Pyrgopolinices, quoique de taille réduite comparé aux grandes Forges de Mars ou Ryza, fut rapidement intégré au réseau du Mechanicum. Les techno-archéologues de l'époque y exhumèrent probablement des matrices de construction perdues, des fragments de schémas standards, peut-être même des intelligences de données intactes. La véritable ampleur de ces secrets demeurait toutefois scellée dans les plus profondes chambres de mémoire de Mars.
L'Énigme d'Harpax III
Développement plus inattendu, le Mechanicum avait établi de multiples installations de recherche sur la troisième lune de la géante gazeuse Harpax. Il apparaissait que les travaux qui y étaient menés se concentraient particulièrement sur la noosphère — ce réseau de pensée et d'information qui unit les serviteurs du Dieu-Machine. Le lien entre ce satellite naturel ou sa planète et cette technologie n'était pas établi.
Selon ces récits, la recherche évolua vers des moyens de communication alternatifs durant l'Hérésie d'Horus. Ces expériences, que l'Adeptus Mechanicus orthodoxe jugerait sans doute héretek, furent poursuivies pendant de nombreux siècles.
Le nom d'un certain Magos Gero revenait régulièrement dans les vestiges documentaires. Cette figure énigmatique était probablement l'architecte de ces recherches pendant — et peut-être même après — l'Hérésie d'Horus. Lesdits registres le présentaient comme un esprit brillant mais obstiné, poursuivant son travail avec une détermination qui frisait l'hérésie — si tant était qu'elle n'en eût pas été. Les objectifs précis de Gero échappaient à toute compréhension, perdus dans les strates de données corrompues et de rapports délibérément effacés.
L'abondance de sombreroche dans le noyau solide d'Harpax était selon toute vraisemblance liée à cette activité prolongée. Ce matériau rare aux propriétés uniques vis-à-vis du Warp représentait sans doute un élément crucial des expériences menées sur Harpax III. Les centres archéo-technologiques continuèrent de fonctionner longtemps tandis que le reste du système sombrait dans l'isolement, témoignant d'une autonomie remarquable.
Abandonné, Oublié
Le destin de Pyrgopolinices baignait dans une inexplicable incertitude. Les archives administratives, quoiqu'incomplètes, attestaient d'un déclin progressif de la productivité du Monde Forge. Les derniers manufactorums s'éteignirent quelques milliers d'années avant la « redécouverte » du système, laissant les industries à l'échelle planétaire dans un état de dormance presque totale.
Historiquement, Pyrgopolinices fournissait à l'Imperium de nombreux vaisseaux grâce à sa ceinture de chantiers navals orbitaux, au moins jusqu'en M32. Après cette date, la documentation devenait confuse et contradictoire. Elle mentionnait des problèmes de production et une main-d'œuvre manquante. Pourtant, les chroniques d'Ulmyllon indiquaient au contraire des levées de population toujours plus substantielles au profit du Mechanicum.
Le mystère s'épaississait encore avec la production navale, qui disparut d'une entrée de journal à la suivante sans explication, et de la planète elle-même. Les immenses chantiers orbitaux avaient tout simplement cessé d'exister. Les banques de données des Seigneurs de Mars les décrivaient comme une véritable ceinture orbitale artificielle, pourtant nulle trace n'en subsistait. Furent-ils détruits ? Démantelés ? Déplacés ? Aucune des théories avancées ne satisfaisait pleinement les enquêteurs.
Ce que Terra ne réclama jamais
Diverses notes récupérées de l'Administratum révélaient en outre que le monde d'Ulmyllon avait échoué, depuis l'ère de la Grande Purge au moins, à satisfaire ses quotas de dîme impériale. Des investigations auraient dû être conduites, mais nulle trace n'en fut trouvée.
Qu'un monde entier ait pu échapper au courroux de l'Administratum pendant des millénaires témoignait soit d'une incompétence systémique, soit d'une dissimulation délibérée. Certains membres de l'Inquisition, dont Bredasson, penchaient pour une combinaison des deux : une erreur initiale, peut-être, suivie d'un effacement intentionnel des registres pour masquer cet impair. Après tout, l'Administratum préférait souvent enterrer ses manquements plutôt que de les corriger.
Pillards dans les ténèbres
Parmi les bribes de chroniques retrouvées dans les décombres de quelque Cité Ruche d'Ulmyllon, la plupart décrivait de nombreux raids pirates et xenos. Les dates se chevauchaient, les descriptions souffraient de nombreuses incohérences, et la nature même des assaillants variait d'un texte à l'autre. Là où certains textes relataient des incursions de pillards humains, d'autres parlaient de créatures plus étranges, tantôt silhouettes élancées en armures chatoyantes, tantôt monstres difformes et chitineux. Démêler la réalité du folklore était impossible, mais une certitude émergea néanmoins : le vide créé par l'oubli du système par l'Imperium avait ouvert la voie à ses nombreux ennemis.
Des Bûchers pour les Damnés
Dans le sillage de ces incursions naquirent bientôt de nouveaux maléfices : démons, possessions, sorciers maudits. Les quelques sources cohérentes qui subsistaient évoquaient des chasses aux sorcières d'une ampleur et d'une violence effroyables. Une frénésie purificatrice embrasa le système entier. Nul ne fut épargné, sur aucun monde, aucune lune, aucune station. On traqua les psykers sans relâche, et ce qu'ils fussent navigateurs, astropathes, ou simplement des innocents faussement accusés. Les chroniques décrivaient des bûchers alimentés pendant des années, des purges qui vidèrent des secteurs entiers de leurs populations, des procès sommaires où la simple accusation équivalait à une condamnation à mort.
Si l'on en croyait ces récits, l'extermination fut si complète qu'elle scella le destin des mondes de Morologus. Sans navigateurs pour guider les vaisseaux à travers l'Immaterium, sans astropathes pour transmettre les messages à travers les étoiles, le système se trouva coupé du reste de la galaxie. Le silence s'installa, absolu et définitif, et le système dériva seul dans les ténèbres, prisonnier de sa propre paranoïa.
Nécromanciens de Fer
Des cendres de cette purge jaillit une nouvelle obsession. Ses échos résonnaient encore dans les esprits, et la peur des Nécromanciens agitait encore les populations. Ces figures métalliques auraient réanimé les morts, chassé les vivants dans les profondeurs des ruches, arraché les âmes pour les emprisonner dans des cages de fer et de lumière froide. Les descriptions variaient considérablement et sans souci de cohérence— tantôt humanoïdes en toges, tantôt squelettes aux yeux luisants, tantôt formes confuses d'acier et de chair mêlées.
L'Inquisiteur Bredasson, au cours de ses investigations, en avait conclu que ces "Nécromanciens" constituaient vraisemblablement un amalgame traumatique de plusieurs menaces distinctes. Le ressentiment profond à l'encontre de l'Adeptus Mechanicus — particulièrement virulent sur Ulmyllon — se mêlait à la terreur ancestrale des Intelligences Abominables de l'Ère des Luttes. Peut-être même d'autres entités xenos s'étaient-elles invitées dans ces superstitions. Quoi qu'il en fût, cette peur viscérale des "hommes-machines" avait profondément marqué la psyché collective du système.